De miel et d’or.

 

 

De ton amour, sur mes lèvres reste un goût de miel.

Dans mon cœur, un parfum de voyage aux saveurs d’Orient.

Une once de paradis, un supplément de ciel,

Qui de mes heures ternes fait soleil, secrètement.

 

De mon errance et mon exode sur le Styx sont nés le manque,

Et l’absence, incisive plaie perlée d’un sang des plus écarlates.

Mais, ni la colère, ni l’oubli, onguents factices à mes chairs délicates,

N’ont su abattre mon âme, de toi endeuillée, et sa frêle palanque.

 

Mon Amour est immense, autant que le sont ma peine et mes larmes

Exsangues. Le temps est un purgatoire, pour qui veut prendre les armes,

Guerroyer écueils et murailles, puis s’écorcher le cuir et le cœur

A faire revivre la magie dans un éclat de sourire, et loin des peurs.

 

Au temps présent et dans ma mémoire, gravé jusqu’à l’obscurité du jour dernier,

Comme ces initiales brunes sur ma peau nue tatouées,

Qui vibre, frémit et se soulève à ta voix, comme un appel,

Luit éperdument le reflet de tes yeux d’or et de miel.

 

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Life is a bitch.

 

Les jours s’envolent, et mon cœur ne repousse pas. Je l’ai arraché à mains nues, un matin de septembre, puis je l’ai déposé en terre, à trois mètres de profondeur. Je me suis agenouillée, les pieds dans la boue, et mes yeux en averse se répandant sur les cailloux tâchés de sable roux demeuraient fixés sur ce nom teinté de gris simplement entouré de deux dates…..  mes pourquoi sans remède claquaient au vent comme un drapeau.

Le clocher carillonne comme un fantôme au temps présent et m’écorche vive. Comme chaque dimanche, je fais grincer le portillon puis le referme d’un geste sûr. J’aperçois de loin la croix qui me guide dans les dédales de marbre. Je m’assieds sur le rebord de la tombe située derrière moi et je lui parle. Un peu, pas plus que lorsqu’il était encore là. Et je fume, je pleure et traite la vie de sale garce, à voix haute. Qui pour me juger ? Puis, j’emmerde la mort. Elle m’a tout pris ces derniers mois, elle ne mérite que mon dégoût. Je la défie, elle et ses défunts, en escaladant les marges de granit qui m’entourent, comme une gamine insolente sautille dans l’escalier, de marche en marche. J’abandonne ma peine au déclin du jour, au ciel embrumé de rose et de bleu, au chant des tourterelles qui se cachent du frimas sous la charpente du beffroi. Et je fredonne, entre deux sanglots.   «Est-ce que tu m’entends, est-ce que tu me vois ? Qu’est-ce que tu ferais toi si t’étais là ? ». Je voudrais me réveiller dans une autre dimension, et avoir à nouveau 5 ans. M’accrocher à ta jambe, emboîter ton pas et ne pas te lâcher d’une semelle. Clamer plus fort encore que dans cette vie que,  le plus fort c’est toi et que je t’aime plus grand que l’univers. Dans ce monde là, je n’aurais laissé personne cracher sur mon chagrin ni salir ma douleur, et j’aurais claqué la porte des sans cœur à la première écume fielleuse.  Que savent-ils de ce que je ressens, que connaissent-ils de toi et de moi ? Personne ne sait et jamais ne saura.

C’est mon secret de grande petite fille. L’amour me vient de toi. La beauté dans le viseur à chaque mouvement de tête, les fantasqueries et les jeux de mots apeupriste. Les sens aux aguets, la savoir dans toute chose, le parfum des champs au petit matin brumeux qu’on hume paupières closes, la musique, le partage.

Je sursaute. Le portillon entonne son air grinçant et le gravier crisse; un inconnu m’extrait à mon recueillement oublieux. J’ai envie de croire que lorsque je me relèverai, j’aurai ta main dans la mienne et l’âme légère. Même si c’est mentir. Un miaulement familier en écho à mes prières me fend d’un sourire. Le chat en quête de caresses que je croise à chacune de mes visites se frotte à ma chaussure, et quémande sa petite cajolerie dominicale. Il s’immobilise alors, me laisse passer le porche en me suivant du regard, trottine sur quelques mètres puis s’étire languissamment avant de s’allonger sur la tombe de mon père.

Je ne tiens pas ta main serrée, et mon cœur a mal mais je sais que je ne suis plus seule. Parce que tu es là. Partout.

A suivre…

Tu sais que tu es dyspraxique quand …

 

( Ceci n’est pas un sketch )

 

  • Tu es devenue, au fil de ta vie, très complice avec les poignées de porte, les angles de mur et de table, les chaises qui jalonnent ta trajectoire, les portières de voiture et/ou tout autre objet en relief que tu croises sur ta route et que tu ne manques jamais de te prendre l’un deux en pleine peau parce que tu as une représentation mentale des distances et des contours de ton corps très approximative.

 

  • A l’école, quand les équipes de jeu se formaient, tu étais toujours la dernière choisie. Qui a envie d’avoir un éléphant manchot comme coéquipier ?!

 

  • Tu collectionnes hématomes et ecchymoses, tel un trésor inestimable et que tu ne te souviens même plus de l’origine des derniers en date vu que tu te définis toi-même comme une boule de flipper grandeur nature.

 

  • Tu es capable d’enfiler deux chaussettes de couleur différente et de ne t’en apercevoir qu’au moment où on te le signale (mais pas genre, une blanche et l’autre couleur crème, non ! Plutôt une rose poney et l’autre vert sapin de Noël, option paillettes ! ), de tenter de t’habiller en positionnant ta culotte après avoir enfilé ton jean et que, ça ne te choque pas particulièrement puisque tu ne t’en étais pas rendue compte sur l’instant, ou de te rendre à l’arrêt de bus, tranquille Emile, avec tes chaussons Bisounours aux pieds (et du coup, de retourner dare-dare à la maison pour les enlever, après avoir été copieusement raillée par tes camarades toujours avides de tes gaffes à répétition ).

 

  • Tu préfères faire 3 km à pied pour te rendre au lieu de RDV programmé plutôt que de te lancer dans un créneau en plein centre ville que, de toute façon tu rateras, et qui te vaudra d’être huée par la file de conducteurs klaxonnant qui maudissent en grommelant les « bonnes femmes qui ne sont pas fichues de se garer correctement ».

 

  • Au collège, tu essayais vainement et piteusement de te hisser sur la corde, que les autres, eux, maniaient avec une dextérité confondante si bien qu’au bout de la 4ème année, tu suggérais à ton prof de te coller directement un zéro pour ainsi éviter une énième honte publique. Surtout que, même avec la corde à nœuds, y avait pas moyen…

 

  • Tes collègues te surnomment affectueusement « pingouin » parce que tu as pour habitude de glisser malencontreusement et systématiquement sur les sols encore humides qu’eux savent éviter avec soin, et de finir les 4 fers en l’air sous l’œil amusé quoique compatissant de tous.

 

  • Tu es capable de te mettre la ratte au court bouillon parce qu’en sortant du travail, tu ne trouves plus ta voiture à la place où tu l’avais garée en arrivant : affolement, stress, appel désespéré à ton amoureux, cent pas sur le parking et anticipation des démarches à faire auprès de l’assurance, la gendarmerie, logorrhée interminable …. jusqu’au moment où au bout du fil, alors qu’il parvient avec peine à pouvoir enfin en placer une, il te rappelle que ce matin, tu es venue au travail à pied ….

 

  • Sur la piste de danse, un attroupement se forme autour de toi alors que tu t’éclates avec insouciance ,parce que les gens pensent que tu es en train de faire une crise d’épilepsie ( bon là, j’exagère un peu ! )

 

  • Tu as passé ton code de la route 5 fois, au grand dam de ton moniteur qui finit par croire que tu dois certainement lui avoir caché que tu étais une déficiente mentale,  que tu en rajoutes une couche en accumulant les heures de conduite par dizaines et que, lorsque tu obtiens enfin ton permis de conduire après deux essais infructueux, le pauvre homme soulagé pleure presque de reconnaissance de voir l’honneur de son entreprise sauf. ( là, j’exagère à peine …)

 

  • En vrac : tu as fait du vélo avec les roulettes jusqu’à un âge avancé parce que ton sens de l’équilibre est aussi fictif que la venue des Martiens sur Terre ; il est possible de déterminer la composition de ton repas juste en regardant les taches sur ton pull ( viser la bouche avec la fourchette, une stratégie souvent périlleuse…) ; tu as failli être à l’origine d’un nombre incalculable d’homicides involontaires quand, en cours de sport, il s’agissait de lancer le javelot ou le disque ( tes camarades de classe ont appris à sauver leur peau en se plaçant loin derrière toi ou en criant « Attention, Orphane va lancer ! » aux inconscients encore présents sur le terrain au moment des hostilités) ; tu fais fuir les touristes qui ont le malheur de s’adresser à toi pour demander leur chemin parce que tes explications embrouillées, ta logique farfelue et ton sens de l’orientation atrophié te font passer pour une illuminée, et qu’ils tournent précipitamment les talons, atterrés et interdits, en se demandant si tous les Français sont comme ça. Rendez donc service, tiens ! ; tu ranges régulièrement, au retour de courses, ton portefeuille dans le frigo et la boîte de camembert dans ton sac à main ( si si, juré ! ) ; tu retournes ton appartement et ta voiture parce qu’un samedi après-midi, alors que tu t’apprêtes à aller faire quelques emplettes pour ta soirée d’anniversaire à venir, tu ne retrouves plus ta carte de paiement et que tu réalises que tu ne l’as pas eu entre les mains depuis plusieurs jours ( (bien entendu, tu as anticipé le moindre imprévu et dispose donc d’un peu de liquide sur toi, okazou, vu que la banque est fermée ce jour. Ahem ) et qu’il se peut qu’on te l’ait volée ou que tu l’aies égarée dieu sait où ( tu t’imagines déjà devoir appeler pour faire opposition, vois les chiffres défiler dans ta tête en mode « débit », loyers impayés, la rue, les ponts, le gros rouge qui tache pour se tenir chaud l’hiver …) , tu soulèves chaque objet, tu vas même jusqu’à fouiller ton tiroir à maquillage, tu secoues les tapis, scrutes sous les sièges, te rends à ton travail pendant ton jour de repos pour mettre à sac ton casier dans l’espoir que …. pour finalement revenir chez toi et te rendre compte que cette *censuré* carte trône fièrement sur la table de la cuisine, vaguement dissimulée sous un paquet de Kleenex .

( Toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé serait purement et simplement…. en deçà de la réalité, suivez mon regard ! )

 

Un brasier en hiver.

Nouvelle.

L

Dehors, la vie. Le bruit du monde, le défilé compassé des êtres en transit, qui se croisent et se bousculent dans l’urgence et l’anonymat. Le vent balaye d’un soufflet la masse homogène de leurs corps en action et laisse place à une quiétude transitoire, aux secondes comptées. A travers la verrière, la jeune femme observe, amusée, ce ballet aux rituels immuables. La pluie, en un léger crachin, vient piqueter la vitre de gouttelettes ruisselantes qui esquissent sur la paroi lisse des formes étranges. Le temps coule, lentement, avec ce flegme hivernal propre aux soirées de Décembre. La chaleur des lieux contraste ostensiblement avec le frimas de saison ; l’instant semble se suspendre, comme figé par le froid de ces derniers jours de l’année. Intensément plongée dans ses pensées cacophoniques, elle ne remarque pas l’ombre feutrée qui s’avance au coin de la rue.

Le promeneur solitaire interrompt tout à coup son périple crépusculaire, lève instinctivement le regard et, comme mû par une force imperceptible le pose au loin sur cette séduisante silhouette qu’il aperçoit derrière l’embrasure de cette demeure faiblement éclairée. La lune naissante ceint d’un halo diaphane le profil de l’inconnue, entourant ainsi d’un mystère teinté la scène. Il s’approche à pas sourds de l’objet de ses contemplations nocturnes, craignant le geste brusque qui ferait sortir de son recueillement la Ténébreuse.

Ses yeux ne peuvent se détacher du tableau que la lumière dessine, trait après trait : la longue chevelure aux reflets auburn d’abord, comme une cascade irisée mourant sur la chute de ses reins. Les courbes fécondes de son corps, impavide pour l’heure, attisent en son ventre le feu ardent du désir le plus farouche. Puis, l’ovale de son visage aux contours charnus, donnant à l’impénétrable demoiselle des allures séraphiques. Sa bouche couleur groseille, ses mains fines et délicates, sa taille voluptueuse, et enfin, telles deux pierres serties venues parer l’ensemble de cette œuvre, ses yeux en amande dont il devine sans effort l’intense gravité.

La voûte céleste devient alors le théâtre de la plus implacable des foudres ; elle s’abat sur lui, démesurée. Elle est violence et clameur, elle arrache dans un éclair le cœur de son thorax. L’emprise magnétique qu’exerce la Mystique sur les sens de l’homme transi d’émoi l’exhorte à l’impuissance. Et son être, de chaque parcelle épidermique vibre, intempérant cependant que l’égérie, dans un soupir mélancolique, clos les paupières.

L’homme, bouleversé par sa fragilité aveuglante la dévisage sans pudeur. Il lui semble que le temps n’est plus, que la Terre devient socle mouvant sous ses pieds, que le froid de Décembre n’est qu’une brise tiède sur sa peau engourdie. Le songe éveillé prend brutalement fin lorsque la belle s’éloigne et rejoint la clandestinité de son antre familier. Poussé par le manque et la convoitise comme un loup aux abois, l’homme s’aventure plus avant afin de glaner encore quelques bribes de cette chimère que la pénombre lui vole. Il longe la façade, rempart inaccessible, et au risque de se faire surprendre, parade nerveusement sous les fenêtres de cette apparition surnaturelle.  Il épie à s’en meurtrir la rétine le moindre mouvement, tend l’oreille à chaque résonance, et ses muscles tendus comme un arc un jour d’affrontement endolorissent ses membres sous tension.

L’Invisible torture malignement l’homme par son absence tenace. Il ne la connait que depuis une poignée d’étoiles, mais il découvre par elle ce vide abyssal irrévélé en lui, que nulle autre jusqu’alors n’avait su faire naître. Insoutenable défection qui creuse un peu plus du sceau de la privation sa mine sillonnée. Désemparé, il se résout à déserter les lieux, le pas alourdi par le poids de l’abstinence contrainte et la nuit, implacablement, reprend ses droits. Le souvenir de l’Absente guide ses pérégrinations nébuleuses, errances hasardeuses où il se perd en escapades fantasmagoriques.

Le toit du Monde revêt sa pèlerine d’ivoire : peu à peu, les nuages en brumaille quittent l’azur et semblent affleurer jusque sur Terre. L’homme relève le col de son veston, baisse la tête pour faire face à l’autan qui, à chaque bourrasque, soulève les pans de tissu qui peinent à réchauffer sa chair éprouvée, et traîne son spleen d’impasses en ruelles.

L’amour-foudre se déchaîne sous sa peau : il bat tempête, chavire son sang,  ébranle son âme. L’homme au teint devenu blême, subit le joug de l’exode et de l’aliénation. Les sentiments s’entrelacent, semant le désordre dans son esprit : comment peut-on reprendre le cours d’une si morne existence quand on vient tout juste d’acquérir la certitude que le Paradis existe ? Il aura suffi d’un unique regard pour que volent en éclats des décennies d’une destinée fantomatique. D’une étincelle éblouissante, qui redonne la vue à qui s’aveugle de fables et d’illusions. Il est de ces fractions de vie où la clarté d’une évidence balaie les impiétés les plus funestes : l’homme croit. Il a foi en son cœur, en ses élans éperdus qui le transportent là où jamais encore il n’est allé. Une contrée inexplorée, un îlot vierge des déconvenues du présent, un oasis sur lequel déposer ses mânes inapaisés.

Porté par la tornade d’amour qui se soulève et gronde en lui, il rebrousse chemin dans un vertige et court contre le vent comme un damné que le Malin poursuivrait. L’allure effrénée que prend sa course a raison de son souffle : l’homme se penche, pose ses mains sur ses cuisses et inspire profondément. Il se redresse après quelques secondes, le cerveau et le cœur au bord de l’asphyxie. Ce ne sont pas ses pas endiablés dans la sombreur hiémale qui soulèvent sa poitrine et martèlent de coups son sternum, mais l’exaltation fébrile de sa présence en cet espace hanté par la Dame de ses pensées. Il s’écroule, éreinté, sur le trottoir qui fait face à la demeure toujours plongée dans l’obscurité, enserre ses genoux entre ses bras et lève les yeux vers l’horizon.

Le calme de la rue endormie adoucit le mal des tourments intimes qui le rongent. Les heures taciturnes défilent sans qu’il songe un instant à quitter ce poste d’observation privilégié qu’il s’est choisi, et dont il s’accommode aisément malgré le froid et l’ankylose. Il lui semble que plus rien d’autre n’a de sens ici-bas que la lente succession de ces silences lunaires aux mille accents, que la douce caresse des rayons de l’astre éclipsé qui ranime son être alangui : il veille sa Belle jusqu’à l’aurore.

La cité, lentement, sort de sa torpeur noctambule. L’homme perçoit, au loin, l’écho des vivants : à quelques mètres de là, un chien qui, faiblement aboie. L’agitation discrète des maisons qui s’éveillent au point du jour. Le grincement des volets que l’on déplie, le crissement des roues sur le gravier dans la cour avoisinante, le chant des oiseaux qui gazouillent au levant. Les réverbères de la ville clignent puis luisent, nimbant ainsi de moirures oscillantes la demeure de l’Adorée : l’homme s’en approche, précautionneusement.

Il se sent chasseur et proie tout à la fois, les sens à l’affût et l’adoration aux aguets. La porte du refuge s’entre ouvre, subreptice espoir d’une luisance souveraine, et l’homme, soudain tombe en déraison. Derrière le portique tout près, il réfugie, empressé, sa peur et son tumulte, le poitrail palpitant comme après une ruée éperdue. Le soleil projette sur l’écran de l’aube issante la silhouette de la Merveille, en ombres chinoises harmoniques et évanescentes. Ses pas sur le bitume, aériens, entonnent une ritournelle en cliquetis dont lui seul sait entendre la mélopée ténue, à chaque foulée. L’Icône s’évanouit au détour d’un boulevard, et l’homme statufié, la regarde se fondre dans la mosaïque de jaune et de rouge que forment les rayons de soleil matinaux sur la fresque urbaine, qui doucement reprend vie.

Il ne sait plus penser, il ne peut plus bouger. Doit-il la suivre ou bien prier pour son retour ? Courir à sa rencontre, lui parler ? Juste quelques mots ! Ou bien se taire, et encore rêver ? La fourmilière humaine, en fracas et bousculades, enfle et ressuscite. L’homme s’affaire à la hâte, aux abords du sanctuaire, redoutant d’être ainsi exposé à la suspicion implacable des passants coutumiers. Puis il quitte l’endroit, sans se retourner, un sourire sibyllin fiché au coin des lèvres.

A la nuit tombante, la jeune femme au regard obscurci regagne son foyer, tête fléchie, la chevelure en broussaille. Sur le pas du logis, chatoient en panache et faisceaux chamarrés des fleurs par dizaines. Un morceau de papier blanc, noirci d’une brève missive accompagne l’offrande : « Je vous aime, je reviendrai ». Elle rassemble soigneusement ces trésors épars, cette épître aux allants passionnés, puis referme la porte. Dans l’ombre de son repaire, son visage éteint bientôt s’enlumine. Elle sourit au passé, et tremblante d’une folle espérance, elle aspire à demain.